Solstice dans les prés, c'est la fin de l'été !

Solstice dans les prés, c’est la fin de l’été !

Vendredi 12 juin, 9h côté péruvien, déjà 10h côté bolivien, il faut absolument que nous arrivions avant midi, dès fois que les douaniers décident de partir en weekend plus tôt que prévu ! A notre grande surprise, le poste frontière côté bolivien n’est pas là où on l’attendait logiquement, c’est-à-dire sur la frontière ! Nous rentrons donc dans ce nouveau pays sans trop nous en rendre compte, si ce n’est pas le biais de deux poteaux surplombant le lac Titikaka qui signalent le franchissement de la ligne imaginaire. Il nous reste alors deux heures et une petite dizaine de kilomètres pour parvenir au poste frontière, facile vous nous direz… Mais ça se corse !

Course vers la frontière Bolivienne

Les ingénieurs des ponts et chaussées boliviens préfèrent tailler droit dans la montagne pour arriver aux cols, nous offrant de forts pourcentages de pente, et le revêtement de ces routes dites de contrebandiers ou narcotrafiquants ne jouent pas en notre faveur. Et puis nous choisissons évidemment toujours les chemins les plus faciles (dixit Julia ironique). La signalisation inexistante nous fait douter face à des pattes d’oie et l’environnement désertique ne nous aide pas, mais au bout d’une heure trente, nous avons en point de mire Puerto Acosta qui n’a rien d’un port mais qui constitue notre porte d’entrée officielle en Bolivie !

La police des frontières nous attend, ils sont une dizaine d’agents – il n’en faut pas moins pour ce poste de frontière très peu fréquenté ! – tranquillement assis devant la mini-guérite, et guettent l’arrivée des badauds. Nous arrivons tout sourire, nous épanchons en salutations cordiales, les flattons un peu, le tout pour les dissuader de toute tentative d’extorsion de nos peu de biens, puisqu’apparemment il s’agit d’une coutume répandue dans le coin ! Ça marche, puisque nous obtenons nos tampons d’entrée sans problème, si ce n’est cette main baladeuse d’un des agents sur la poche du pantalon de Laurent suivie d’un « Hay mucha plata aqui, no ? » – Beaucoup d’argent ici n’est ce pas ? –  ce à quoi Julia répondra le plus sereinement possible « Non pas vraiment sinon nous ne serions pas ici à cravacher comme des ânes sur nos vélos, mais plutôt dans un hôtel 4 étoiles à Copacabana »…

Premiers pas Boliviens

Sur la route, les habitants sont plutôt souriants et nous saluent en nous lançant d’enjoués « Hola Mister », de la même manière pour Julia que pour Laurent, quoiqu’ils aient aussi la version féminine et hilarante « Hola MisterA » !

Loin du luxe nous passons notre première nuit bolivienne chez Juan-Carlos et sa fille Célia qui nous proposent de planter la tente dans un de leurs deux jardins. « Deux jardins ? » , « Oui car j’ai deux maisons…c’est Evo qui m’a aidé pour construire ma deuxième maison » , « Evo ? » , « oui oui Evo, Evo le Président ! »

Nous apprenons qu’un programme mis en place par le gouvernement d’Evo Morales donc, aide certaines communautés pour l’achat du matériel nécessaire à la construction de maisons salubres. En effet sa nouvelle maison est plutôt bien équipée, construite en briques elle possède même une salle de bain et une douche ! Génial !

« On peut utiliser les toilettes ? » , « non, non car l’eau des toilettes va dans le puits et avec l’eau du puits on arrose les oignons, alors c’est mieux d’aller là-bas à côté du champ » …d’oignons bien sûr !

Juan-Carlos nous offre généreusement des pommes de terre et du fromage de ses vaches tout en nous observant monter notre tente, comme si nous étions des bêtes curieuses. Nous goûtons également à notre première « spécialité » Bolivienne : el pito !! Avis aux connaisseurs. La recette est simple et tient au corps : de la farine légèrement grillée mélangée à de la tisane légèrement sucrée, remuez bien et ingurgitez le tout ! Ici cela constitue quotidiennement petit déjeuner et repas du soir…

Cooooopa-Copaaaacabana…on se la coule douce sur l’altiplano

Nous ne savions pas encore que 2 jours plus tard, après avoir longé et contourné le versant oriental du lac, nous nous retrouverions à nous prélasser 4 jours durant dans un hôtel fort luxueux (si les douaniers nous voyaient…) pour nous qui n’avions plus connu une douche chaude depuis près d’un mois, ou encore la présence d’un four, depuis, depuis ?!! Non, pas de trace de four dans nos souvenirs remontant à moins de 3 mois. Alors nous remercions encore et encore nos amis qui ont eu l’excellente idée de nous offrir cette halte réconfortante presque à la moitié de notre périple. On peut vous dire que nous avons rentabilisé les équipements : le four a tourné nuit et jour, la douche s’est transformée en baignoire et nous avons refait notre stock de papier toilette !

Vues splendides sur le lac, soirées au coin du feu à déguster nos petits plats préparés, farniente dans les hamacs…que du bon temps. Au point que, malgré l’aspect sur-touristique de Copacabana et ses commerçants parfois peu aimables, nous déciderons de passer une nuit supplémentaire, mais cette fois-ci en reprenant les bonnes vieilles habitudes, en plantant la tente sur la plage.

Vis ma vie de camping-cariste globe-trotter !

L’occasion pour nous de faire la connaissance d’autres voyageurs au long cours et appartenant à une autre « communauté » : les camping-caristes. Ce mode de vie a l’air d’être plutôt l’apanage des argentins, en combi VW, ou des français, en camping-car plus classique. Josiane et Dominique , Michel et Doreen et leur pépère , Thomas, Sandra et Charlie 8 ans en mode Nomades d’Un Jour sont nos nouveaux compagnons de voyage. Au coin d’un feu, on partage alors bières et poulet, anecdotes, péripéties et bons plans, et on se rend compte qu’au final les problématiques ne sont pas si différentes des nôtres : surprise sur l’état des routes, enlisements, frayeurs avec les chauffards, choix du bon bivouac pour la nuit…

Finalement notre départ n’aura pas lieu à 2 roues, mais confortablement installés dans le salon du CC de la petite famille française des Nomades d’Un Jour, avec qui nous allons partager les prochains jours, direction Tiwanaku et la fête du Solstice (d’hiver de ce côté de la planète) ou Nouvel an Aymara (andino-amazonico) du 21 juin. Oui, oui, on avait promis qu’on ne nous surprendrait plus dans un véhicule motorisé, mais la tentation était grande, et le confort et la sécurité assurés par Thomas, qui partage comme nous la même crainte des conducteurs sud-américains !

Bonne année Pachamama !

20 juin, nous voici donc à Tiwanaku où nous trouvons un bivouac tranquille surveillé par les habitants. Les festivités se préparent, la ville se métamorphose pour accueillir les nombreuses communautés Aymaras de la région venues rendre hommage au Dieu Soleil, Inti, et célébrer ainsi en ce site cérémoniel ancestral qu’est Tiwanaku le nouvel an agricole, ou Willka Kuti (renaissance du Soleil), en bref, le passage à l’hiver. La célébration commence le 21 juin à 6h du matin, ce qui nous vaut un lever bien matinal et glacial pour se rendre sur le site archéologique de Tiwanaku où accourent des milliers de personnes. Chants, bénédictions, rites, incantations et offrandes à la Pachamama (nous étions même prêts à voir quelques pauvres lamas sacrifiés, mais cela n’a pas eu lieu) composent la cérémonie avant que le soleil n’apparaisse.

La scène la plus émouvante et vibrante est l’arrivée des premiers rayons du soleil tant attendus, qui viennent non seulement réchauffer nos mains gelées mais aussi annoncer l’arrivée d’une nouvelle année, prospère si possible, notamment pour les travailleurs agricoles selon la cosmovision des peuples andins-amazoniens. Les danses et musiques traditionnelles des communautés Aymaras viennent clôturer cette belle journée festive sur la place centrale du village de Tiwanaku.

Il est alors temps pour nous d’enfourcher de nouveau nos vélos et de partir braver l’hiver méridional sur l’altiplano bolivien. Nous quittons les Nomades d’Un Jour, la tête plein de beaux souvenirs partagés, direction La Paz, capitale administrative du pays (et la plus haute du monde à 3650m en son centre). L’arrivée par les hauteurs de La Paz se fait parmi les décombres et la puanteur de l’eau croupie et des chiens en décomposition. Pas glamour tout ça ! Heureusement sur les bords de El Alto, la ville de plus de 100 000 habitants la plus haute du monde située à plus de 4100m (oui ici aussi tout est « le plus »), s’étend devant nous La Paz dans un canyon minéral tapissé de constructions. Surplombée par des géants de neige comme l’Illimani à 6462m ou le Huayna Potosi à 6088m, la ville revêt un certain cachet qui donne envie de l’explorer.

La Paz et quelques jours de paix !

La capitale vue d’en haut n’est cependant plus la même vécue de l’intérieur, qui plus est sur un vélo, et quand il faut la parcourir en intégralité du Nord au Sud, passant de 4000m à 3200m en 12 km. Le trafic y est bien dense, et la majorité des véhicules constituée par des micro-bus ou combis tous aussi polluants les uns que les autres. Dans des rues bouchonnées, on peut trouver une file continue de bus menant tous au même endroit. C’est l’anarchie dans le centre et chaque petite compagnie privée fait ce qu’elle veut, dommage quand on voit le projet pharaonique du président Evo Morales se mettre en œuvre avec la construction de neuf lignes de téléphérique, dont 3 sont déjà en fonctionnement…le tout sans aucune coordination et recherche d’intermodalité.

Nous mettons le cap plein Sud et terminons notre descente infernale à travers la capitale Boliviene pour trouver refuge chez Joanne notre hôte warmshower qui nous accueille chaleureusement et confortablement dans les beaux quartiers de la Paz !

Nous prenons quelques jours de repos et en profitons pour explorer la ville. Seul le centre historique de La Paz vaut vraiment la peine, son quartier colonial, ses marchés en pleine rue, son marché des sorcières – mercado de la Brujas – où sont vendus tous types d’amulettes, d’herbes médicinales, de recettes aphrodisiaques et le clou du spectacle : les fœtus de lamas qui sont enterrés dans les fondations des nouvelles maisons en vue de les protéger ! D’ailleurs pour ceux qui ont des projets immobiliers on peut vous ramener un petit souvenir !

Le reste de la capitale est cosmopolite, grouillant de restaurants et boutiques à l’occidentale. Si vous y cherchez la paix (la Paz !), mieux vaut s’éloigner de son centre et pourquoi pas tenter l’ascension d’un proche sommet. Le Huayna Potosi par exemple ? Allez on vous emmène ! Vamos !

Le géant Huayna Potosi

Réputé pour être un des sommets à plus de 6000m (6088m exactement) les plus accessibles au monde, et dont la proximité avec La Paz en fait une destination très prisée (le rendant du coup plutôt accessible côté budget) nous décidons de nous lancer dans l’aventure. Du jour au lendemain, nous voila donc repartis sur les sentiers montagneux. Ce coup-ci nous n’avons pas le temps de tergiverser et en même temps cela fait près d’un mois et demi que nous nous baladons entre 4000m et 3500m d’altitude alors question acclimatation nous sommes au point.

Après 1h30 de route (en minibus), nous sommes au pied du géant, à 4770m déjà. Une marche d’approche d’1h30 nous mène vers le Rock Camp , à 5200m où nous allons passer la « nuit ». A l’instar de notre ascension au Cotopaxi, la nuit sera courte mais un peu moins mouvementée malgré la très haute altitude. Nous parviendrons à trouver le sommeil pour quelques heures, le départ étant donné à 2h30.

A peine sortis du refuge, nous chaussons les crampons et nous encordons à notre guide du jour, Sabino. Nous entamons l’ascension du glacier en compagnie d’une autre cordée, composée de deux sympathiques allemands qui ne rêvent que de boire une bonne bière ! Nous sommes sereins, motivés et en forme et ne pensons pas à l’échec, même si la lampe-frontale de Laurent nous joue des tours dans les premiers mètres et fait grève précisément ce jour. Heureusement la voûte céleste, si proche, est illuminée de milliards d’étoiles et offre une luminosité suffisante pour avancer. La seule difficulté de la journée arrive à mi-parcours, avec le passage de la rimaye, un mur quasi vertical de 20m de glace et de neige heureusement façonné par les nombreux passages de crampons mais qui nous offre quelques gouttes de sueur malgré les degrés négatifs environnants.

La suite de l’ascension se poursuit dans le calme, guidés par les quelques loupiotes déjà parvenues au sommet. Nous sommes dès lors à 6000m d’altitude, déjà un bel accomplissement pour nous sans troubles notoires. Nous attaquons la grimpette finale, bien raide, un peu fatigués mais animés par l’excitation d’arriver au sommet pour le lever de soleil, alors que le ciel s’embrase déjà au loin. Les conditions sont idéales, pas de vent, un froid relatif tout juste négatif. Le spectacle offert au sommet est alors grandiose et nous vivons notre seconde fête du soleil. Une vue panoramique à 360° nous permet de découvrir les sommets enneigés de la Cordillera Real sous lesquels une parfaite mer de nuages s’étire à l’infini, puis La Paz et El Alto dont les dernières lumières matinales s’estompent. Au Nord-Ouest s’esquissent les contours du Titikaka quitté quelques jours auparavant… Bref, un moment magique à peine perturbé par Laurent en train de se disputer avec un autre touriste qui lui cache la vue au sommet l’empêchant de faire un panorama avec son appareil photo !

Nous entreprenons la redescente bien cramponnés sur les versants abrupts qui se dessinent désormais plus clairement dans les premiers rayons ardents du soleil. Nous approchons de la rimaye avec un peu d’appréhension mais la surmontons et finissons la descente sur le chemin parfaitement marqué entre les crevasses. Après une petite pause au Rock Camp où nous récupérons forces et affaires, nous filons vers le Camp de Base pour finir cette escapade montagnarde bien intense et enrichissante. Il est à peine 11h, on dirait qu’il est 18h et notre seule envie et de retrouver notre grand lit bien chaud et notre couette en plumes chez Joanne !

Après encore un peu de repos, apéros, petits plats partagés avec Joanne et même une petite séance de yoga régénératrice, nous quittons La Paz demain, peut-être en téléphérique (souhaitez-le-nous, afin de nous épargner 900m de dénivelée secs dans les embouteillages et la pollution. Direction les contrées sauvages et andines de l’altiplano boliviano-chilien ! Eh oui, des petites surprises sont au programme pour continuer de vous dérouter et on l’espère vous faire rêver !

A bientôt ! Enfin, à la prochaine connexion qui risque de ne pas être demain !