Dernières gouttes péruviennes, du lac Titikaka en prime !

Dernières gouttes péruviennes, du lac Titikaka en prime !

Notre « retour en arrière » nous ouvre quelques possibilités attrayantes  sur la fin du Pérou. Depuis Cachora, nous mettons le cap sur la ville d’Abancay d’où s’offrent à nous plusieurs corridors vers le Sud avec pour objectif initial de rallier la région des canyons et des volcans vers Arequipa par des petites routes peu connues et transitées. De là nous remettrons cap à l’Est afin de quitter le Pérou par le lac Titikaka. Enfin, tout ceci, c’est ce que nous avons imaginé…

Cette fois-ci on prend vraiment la route vers le Sud !

Les images du Choquequirao encore plein la tête, plein d’énergie et de motivation nous quittons Luisa à la Colmena pour la retrouver plus tard à Abancay où elle nous offre à nouveau l’hospitalité. Pour nous, c’est la dernière grande ville avant…un petit moment, alors c’est poulet-frites et réapprovisionnement intégral.

Nous quittons donc l’axe principal Cusco-Lima et nous engageons sur des petites routes « de campagne » direction l’inconnu. Le relief lui ne nous est pas inconnu puisque toujours au-delà de 3000m d’altitude, nous enchaînons les montées-descentes de longue haleine et enfilons les cols à plus de 4000m comme des perles.

Le temps sec hivernal est également de la partie ce qui nous vaut les premières gelées matinales. Le matos de camping fait ses preuves et on ne se plaint pas, le soleil brille ! Après quelques jours, les belles vallées pré-amazoniennes font place à la pampa. Nous sommes définitivement sur l’altiplano, perchés à plus de 4000m et redescendons rarement beaucoup plus bas.

Etape au milieu de nulle part : bienvenue à Visca-Visca

Alors que nous prenons un ultime chemin de traverse bien rocailleux et poussiéreux, un orage de grêle nous surprend en pleine ascension. Il est à peine 14h mais nous sommes gelés et désireux d’en finir pour aujourd’hui.

Par chance nous traversons un improbable village de pampa, Visca-Visca, où les enfants sortant de l’école, après nous avoir assaillis de questions, nous indiquent un lieu d’hébergement peu commun : un Tambo ou Tanpu en langue quechua. Il s’agit originellement, à l’époque des Incas, d’un lieu permettant aux messagers – chasquis, coursiers, commerçants de passer la nuit sur leur itinéraire. Alors que le réseau viaire (Qhapaq-Ñan – Chemin de l’Inca) de l’empire Inca était parfaitement hiérarchisé et structuré et permettait de rallier toutes les villes, les Tambos maillaient ce réseau de façon efficace et stratégique.

Aujourd’hui, et seulement depuis 2013, le gouvernement péruvien a entrepris de redévelopper un réseau de Tambos dans tout le pays afin de désenclaver certaines zones d’altitude notamment en offrant des services tels qu’un internet performant,  une salle de réunions ou d’examens, l’organisation de campagnes de vaccinations, une cuisine, et évidemment un hébergement, pour tous les habitants de la zone et pour les personnes de passage. Nous en profiterons donc pour aller à la rencontre de l’école du village , nous requinquer grâce à la soupe d’Alpaga servie au petit déjeuner (si ! si ! ), prendre des nouvelles du reste du monde grâce à Internet, laisser passer un nouvel orage de grêle et nous lier d’amitié avec les administrateurs du site : Celso, Rosmery et Ronald ainsi que les nombreux usagers du lieu qui fait l’unanimité !

Visca-Visca restera donc dans nos mémoires, autant que l’étape qui nous voit quitter le village, et y revenir deux heures plus tard, 14 petits kilomètres au compteur : la faute à une pente un peu forte, un revêtement boueux et collant aux roues dû aux intempéries et un moral en berne après une bonne dispute comme nous savons les mener. Nous disons STOP ! Résignés nous rebroussons chemin vers la route goudronnée et changeons tous nos plans. Nous ne verrons pas les canyons et les volcans du Sud péruvien. Pas cette fois-ci en tout cas ! C’est aussi ça la liberté du voyage à vélo, des itinéraires qui se dessinent et qui s’effacent, des imprévus qui nous rappellent chaque jour que c’est Dame Nature qui décide et nous qui nous adaptons.

Retour aux fondamentaux et cap sur le Titikaka

Nous revoici donc sur la route asphaltée, aux pentes moins marquées et enfin en-dessous des 4000m (3900m wouuuhhh !!!). Un énième orage éclate au loin sur un énième col et nous incite à nouveau à faire du vélo-stop. Un petit coup de camion-benne nous aide à franchir un col où bon nombre de véhicules ont atterri dans le ravin…Gloups ! On serre les fesses, on ferme les yeux pendant que le conducteur s’amuse à nous énumérer les différentes anecdotes des accidents tragiques survenus dans ce virage et dans celui-là aussi tiens ! Comme à chaque fois que nous avons pris un transport motorisé, la sensation de vitesse sur ces petites routes escarpées nous effraie, nous scotche au siège. La présence de grêle encore bien gelée sur la chaussée ne nous aide pas à nous dérider, mais le chauffeur semble, et c’est bien le problème, maîtriser son véhicule. Juste en face un bus vient de faire un petit dérapage « contrôlé » stoppant sa course à quelques centimètres du précipice, là où justement une carcasse de bus gît encore en contrebas…on se le promet c’est la DERNIERE fois que l’on monte dans un engin à 4 roues ou plus avec moteur !

Heureusement, on dirait aussi que c’est la dernière fois qu’il pleut. L’hiver andin est-il enfin vraiment là ? Nous avalons à nouveau les kilomètres sous un ciel azur et un soleil à la chaleur faiblarde, rejoignons finalement la route principale de Cusco à Puno et faisons une dernière escale sur la Péninsule de Capachica, à Llachón plus précisément qui prend des allures de bout du monde, loin de l’afflux touristique. Pour sortir du Pérou par le rivage Nord-Est du lac dépourvu de poste frontière péruvien, il nous faut passer par Puno pour s’affranchir de nos obligations migratoires. C’est donc en bus depuis Llachón que nous partons à Puno où nous avons enfin notre tampon de sortie apposé sur nos passeports et qui nous laisse 5 jours pour passer côté bolivien. On est mercredi 10 juin, il nous reste 170km à parcourir, ça devrait le faire. Sauf qu’on nous prévient que sur cette frontière isolée et peu fréquentée, l’administration bolivienne n’en fait qu’à sa tête, y compris sur les jours et horaires d’ouverture/fermeture du poste et que tout est bon pour arrondir les fins de mois des braves policiers. L’objectif est donc d’arriver vendredi avant midi, cela complique encore un peu notre défi !

Nous entamons donc ce tour sauvage par les petits chemins de traverse en essayant de ne pas quitter le rivage du lac, le trafic est presque inexistant. Les vues sont imprenables sur les rives boliviennes et la Cordillera Real, nous offrant des dégradés de bleus entre ciel et lac et de jaune paille des champs, les levers et couchers de soleil sur nos bivouacs ne semblent embraser le ciel que pour notre pur plaisir.

La suite, en Bolivie !

BILAN PEROU

Bilan kilométrique et aléas

– 86 jours dont 50 passés à pédaler

– 3000 km à vélo (7000 depuis notre départ), 6 crevaisons sur le même pneu (vélo de Laurent) ce qui m’a poussé à changer de pneu, et une 1ère crevaison en toute fin de Pérou pour Julia avec un pneu arrière déchiré et donc changement de pneu également, 1500km en bus-taxi-camion

– Quelques cols à plus de 4000m et point culminant à 4890m, nous donnant une D+ de 45000m. A noter qu’on a franchi notre 100 ème km vertical vers la fin du Pérou. On est donc bien en orbite !

– 110 km de randonnée et même quelques lourdes foulées !

– 6 crevaisons pour Laurent, 1 pour Julia et un pneu HS

– 3 chutes pour Laurent

Bilan des Nuitées

– 38 en Hôtel- hospedaje dont 13 avec les parents (merci à eux) et le reste surtout dû au mauvais temps dans le Nord.

– 22 sous tente en bivouac ou dans les jardins de nos hôtes

– 10 chez l’habitant, dans un vrai lit !

– 16 autres types d’hébergement (3 dans les parroquia s de Don Bosco, 3 dans le Tambo de Visca-Visca, 3 invités par les locaux dans un hospedaje , 2 dans un office de tourisme, 2 dans les bus, 1 dans une école, 1 dans un commissariat, 1 dans un bâtiment municipal)

Bilan budget

– 13,6€ (soit 45NS) par jour sans compter les visites de sites touristiques pour lesquels nous avons été bien aidés par les parents ! Merci !

Le Pérou en sensations

Vous l’aurez compris, le Pérou nous a marqué, et si on y est resté aussi longtemps c’est que ça a été une expérience vraiment riche en rencontres et paysages étourdissants, on a vraiment adoré ce pays. Son histoire nous a particulièrement touchés et les nombreux sites archéologiques témoignent encore de la richesse des civilisations pré-hispaniques et Incas notamment. C’est le pays le plus pauvre que nous ayons traversé jusqu’à présent et c’est pourtant celui où nous avons reçu les plus grandes preuves de générosité de la part des habitants…C’est un pays plein de paradoxes, souvent surprenant, parfois décourageant, mais tellement merveilleux !

Les + et nos coups de cœurs :

– La Cordillera Blanca, ses sommets inaccessibles, ses lacs de glacier et ses cols exigeants…mais aussi tout ce qui de près ou de loin ressemble à une montagne enneigée !

– Les sites archéologiques, l’incontournable Machu Picchu, le solitaire Choquequirao ou le plus anonyme Kuélap.

– La grande générosité, curiosité et affabilité des péruviens :

–> toujours une question sur le bout de la langue (¿ y no se cansan las piernas ? ¿ y recorren el Perú en bici no más ? ¿ y no se malogra la llanta ? ¿ y cuánto cuesta la bici ? …) ;

–> toujours une soupe aux bons légumes et céréales de la chacra – du champ – à nous offrir ou son matecito (de coca , de muña ou de quelle plante sais-je encore ?) à ne pas confondre avec le motecito (grain de maïs frais cuit de longues heures) servi avec sa papa nativa ;

–> toujours un attroupement de petits et grands curieux sur la place du village autour de nos machines sans moteur improbables…

– Nos « copains » (comme on les surnomme) les alpagas, ou lamas ou vigognes qui nous accompagnent et nous font bien rire sur les hauts plateaux. Véridique grâce à eux on se sent parfois moins seuls !

– La diversité culturelle d’une région à une autre, les modes vestimentaires qui permettent d’identifier assez clairement d’où chacun vient, par son chapeau notamment et le plus souvent chez les femmes : Cajamarca et son chapeau de paille aux dimensions assez impressionnantes, Cordillera Blanca et ses feutrines plus ou moins colorées, Apurimac et ses chapeaux en cuir de mouton ronds, les bonnets des îles Amantani et Taquile où chaque catégorie de personne (bébé, adolescent, homme célibataire, fiancé ou marié) dispose d’un bonnet aux codes très spécifiques, les coiffes colorées et pomponnées des femmes de Capachica…

– La richesse des marchés, qui ont lieu dans toutes les villes tous les jours. Point de supermarché, tout se trouve à chaque étal dans le marché. Pour la nourriture, presque tout est local (jusqu’à l’Inca Kola) et frais (en général et plutôt en début de journée pour la viande et le poisson !), pour le reste, dans chaque ville, en général une rue est spécialisée dans tel type de produits (la rue des cordonniers, celle des quincaillers et ainsi de suite …), ce qui permet d’avoir encore des petits commerçants partout !

– Les montées au long cours suivies des descentes tout aussi longues mais rapides.

Les – et nos coups de gueule (oui on est Français alors faut bien qu’on râle un peu!)

– On se répète mais ils nous ont terrifiés sur la route. Nous cyclistes ou même passagers de véhicules, on a cru y passer un certain nombre de fois, heureusement que le klaxon nous a sorti plusieurs fois de notre rêverie / torpeur ! Les croix et chapelles au bord de la route témoignent des nombreux accidents. Heureusement, le nombre de voitures est encore très faible dans les régions andines…

– Un racisme inavoué mais néanmoins patent anti-blanc/gringo, et en même temps l’histoire parle d’elle même…

– Déchetterie à ciel ouvert jusque dans les endroits naturels magnifiques…lac Titikaka, canyon del Pato…avec un grave problème au niveau des piles, enterrées directement dans les jardins.

– Les nombreux conflits ouverts ou larvés mines vs agriculture ou $ vs paysans pauvres qui n’ont que leur terre pour survivre.

– L’école / éducation religio-militaire… les prières, l’ordre et le salut militaire avant de rentrer en cours, les uniformes, les marches au pas lors des fêtes locales, de 5 à 16 ans.

– Le caldo de pollo/gallina : soupe de légumes, patates et spaghettis dans laquelle viennent tremper les pattes du poulet…on en a fini écœuré, pas tant par le goût que par la vision peu ragoûtante que procure le plat. Faut dire qu’on peut se retrouver avec ce plat entre les mains matin, midi et soir.

– La pauvreté des péruviens de la Sierra – de la montagne – celui qui passe sa vie dans sa chacra et qui ne connaît pas le sens du mot « économie ». Ici on vit au jour le jour, on troque une partie de sa production contre un autre produit, on gagne trois francs six sous que l’on dépense immédiatement pour subvenir à ses besoins « primaires ». D’un côté, on reste sur du marché local et il n’y a pas de (sur)consommation mais la différence avec les riches constitue bien plus qu’un fossé.

Best-off de nos expressions favorites et vocabulaire typiquement péruviens

De freeeeente : pour indiquer tout type de direction, il faut toujours aller tout droit peu importe si dans 100m tu te retrouves face à une patte-d’oie !!!

No más : particule qui au départ peut vouloir dire « pas plus » mais qui au final ne veut rien dire. Peut venir se placer derrière n’importe quelle phrase : Como estás ? Bien no más !

La pista : voirie asphaltée / La carretera : voirie non asphaltée ; au début la confusion a été grande et l’inversion sémantique nous a quelque peu dérouté… mais à la fin aussi, parce qu’eux-mêmes peuvent ne plus savoir de quoi ils parlent. Ne parlons pas des problèmes de dyslexie, la droite à gauche, la gauche à droite, je t’indique la droite avec ma main gauche à moitié tourné et du coup je me perds tout seul…

Está Leeeeeeeejos / Cerca (c’est loin / proche) : le référentiel n’est pas le même pour qui se déplace en 4×4 Toyota Hilux ou à pied dans son campo … du coup, 5km pour l’un peut signifier le bout de la rue dans le virage, comme l’autre bout de la planète. A noter que le référentiel « distance » est quasi inexistant chez le péruvien, seul le temps compte…eh oui, selon l’adage bien connu, le temps c’est de l’argent.

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Adios Perú !